DANIEL SÉRÉNI

Les avancées récentes de la médecine ont concerné la plupart des domaines du soin et du diagnostic. Les deux se trouvent d’ailleurs de plus en plus souvent mêlés. Ainsi la radiologie interventionnelle a t-elle  ouvert de nouveaux champs thérapeutiques de la neuroradiologie interventionnelle à l’ablation de tumeurs sous tomodensitométrie (scanner). La pharmaco génomique résulte d’une liaison étroite entre diagnostic biologique et traitement. La découverte de nouveaux médicaments au cours des deux dernières décennies n’avait pas permis d’améliorer significativement les résultats du  traitement de certains cancers avancés comme le  mélanome métastatique  ou les  cancers pulmonaires non opérables. En oncologie, les nouvelles générations de médicaments agissent souvent comme bloqueurs d ‘enzymes nécessaires à la prolifération des cellules cancéreuses. Partant de la constatation qu’il existait des sous-groupes de patients répondeurs, les biologistes ont pu identifier les sous types enzymes correspondant aux répondeurs et aux non répondeurs. Un diagnostic biologique basé sur un test génétique permet désormais dans certaines situations d’identifier précisément les patients qui répondront à un traitement « ciblé » et ceux à qui il est inutile de l’administrer.

Le même principe peut s’appliquer à la prévention d’effets indésirables graves de certains médicaments ; Il est parfois possible grâce à un test biologique de distinguer les patients qui risquent  cette complication de ceux à qui le traitement peut être donné sans danger.

Les maladies rares étaient jusqu’à récemment souvent qualifiées «  d’orphelines «  dans la mesure où elles ne disposaient d’aucun  traitement. Deux avancées ont changé cette donne : les progrès de la connaissance des mécanismes biologiques intimes de ces affections et la possibilité de confectionner « sur mesure «  des médicaments  issus de la biotechnologie ( les anticorps monoclonaux ) agissant spécifiquement sur la cible biologique de la maladie. Il devient alors un devoir pour les médecins de dépister ces affections et de les traiter à un stade précoce.

Mais des maladies fréquentes bénéficient également de progrès thérapeutiques majeurs grâce aux traitements ciblés par  les anticorps monoclonaux.

C’est le cas de la Polyarthrite Rhumatoïde qui touche 300 000 personnes en France. Un traitement précoce par un anticorps monoclonal permet de prévenir la destruction des articulations qui fait toute la gravité de cette maladie. Or ces traitements qui sont nettement plus coûteux que les traitements traditionnels ne guérissent pas la maladie. Ils en arrêtent le développement, mais doivent être poursuivis sans que l’on sache aujourd’hui quand on pourra les interrompre. La dégénérescence maculaire liée à l’âge connaît actuellement une situation parfaitement similaire, et plusieurs autres exemples pourraient être fournis.

Les chercheurs et les cliniciens engendrent actuellement des traitements innovants dans la plupart des domaines de la médecine.  Mais la translation des progrès de la connaissance à des applications pratiques n’est qu’extrêmement partielle. La thérapie cellulaire, la réparation tissulaire, ou la thérapie génique n’en sont encore qu’à  leur phase initiale de développement.

Un nombre croissant de patients pourront bénéficier de l’innovation. Encore faut-il que ces thérapeutiques soient accessibles. Le développement de nouveaux traitements a un coût intrinsèque important ; leur fabrication peut parfois être complexe. Les coûts de production et de diffusion sont d’autant plus élevés à l’unité que le traitement est limité à une population réduite.  Les nouvelles générations  de dispositifs médicaux  (comme les pace maker ou les prothèses) sont plus performants, mais aussi plus coûteux que les anciens. Les outils diagnostiques indispensables à certains traitements innovants qu’il s’agisse d’imagerie ou de biologie ajoutent leurs couts spécifiques.

Les dépenses de santé représentent 19 % du PIB aux USA, 12% en France. Pourront elles encore augmenter et jusqu’où ?  De nombreux facteurs sont impliqués dans cette question : scientifiques, industriels, financiers,  politiques mais aussi éthiques et tout simplement humains. C’est pourquoi chaque citoyen mérite d’être informé et de prendre part à la réflexion.

Professeur Daniel Séréni

président de la Commission Santé, Fondation Concorde