Repenser l’évaluation pour mieux accompagner l’innovation ?
La recherche permanente d’amélioration des performances des médicaments modernes dans un système de santé hyper-régulé et une société elle-même à la recherche de toujours plus de performance, a conduit à la mise en œuvre de moyens perfectionnés d’évaluation des médicaments qui en régissent strictement à la fois les indications, le prix et les conditions d’usage. Alors que la médecine traditionnelle avait recourt à une pharmacopée dont la connaissance était le simple produit de l’observation et de l’expérience, la médecine moderne, en utilisant des principes actifs isolés puis synthétisés, a été en mesure de créer son propre référentiel afin d’évaluer le risque d’induction d’effets secondaires pour les mettre en balance avec leurs effets positifs. C’est dans ce contexte de balance bénéfice/risque que s’est épanouie l’industrie du médicament et, avec elle, une approche moderne de la médecine : l’Evidence Based Medecine (EBM). Une approche qui caractérise et classifie la maladie pour apporter, en réponse, un traitement préalablement évalué sur la base d’une randomisation en double aveugle dont les résultats statistiques permettent de définir la molécule ou le groupe de molécules, constituant la meilleure réponse à chaque maladie.
Cette méthodologie hypothético-déductive, qui est née et a prévalu dans la société industrielle du XXème siècle, semble aujourd’hui avoir atteint ses limites dans un contexte d’émergence de nouvelles stratégies thérapeutiques et d’une métamorphose globale de la société, accélérée par sa digitalisation. La première limite est sans doute d’ordre conceptuel, la finalité du processus étant ici de soigner la maladie et non le malade. Un principe aujourd’hui remis en cause par le développement de la démocratie sanitaire et la participation croissante du patient, non seulement à son processus de soins mais encore à la prévention des maladies. Une deuxième limite est associée à la tendance à la personnalisation des traitements, notamment grâce aux progrès de la génomique, de moins en moins compatible avec une évaluation pensée en termes de populations et basée sur des grandes cohortes. Une troisième enfin, tient sans doute au vieillissement de la population et à son corollaire en termes de développement de polypathologies chroniques dont l’approche s’accommode, elle non plus et de moins en moins, d’une recherche clinique organisée en silos.
C’est dans ce contexte, déjà complexe, qu’un nombre impressionnant de nouveaux traitements, porteur d’autant de nouvelles approches du soin comme de la prévention, font leur apparition. Des innovations qui questionnent sans relâche les modèles actuels d’évaluation et les institutions qui en ont la charge, jusqu’au législateur qui doit aujourd’hui imaginer un cadre qui, à minima, n’obère pas la capacité d’innovation du secteur ni nos chances de faire émerger de nouveaux traitements.
Un questionnement auquel la réponse ne sera, et de toute évidence, ni simple, ni unique. C’est l’ambition de ces 5èmes Assises de l’Innovation Thérapeutique, en réunissant des experts, des médecins, des représentants des institutions de santé et des parlementaires, que de contribuer à faire émerger des pistes de solutions et des propositions de mesures qui permettront de faire de l’innovation en santé une chance pour tous.
Jacques MARCEAU
Président d’Aromates
Expert santé à la Fondation Concorde