ÉDITO 2014
La transformation numérique de la recherche clinique : une chance pour la France ?
Qu’il s’agisse de prévention, de diagnostic ou de soin, il ne se passe pas un jour sans que l’annonce d’une innovation ne vienne apporter sa part de transformations à la médecine et avec elle, plus de sécurité, plus de confort et surtout de nouvelles chances de guérisons pour les patients.
Source du progrès thérapeutique et de l’amélioration de la qualité des soins, la recherche clinique ne manque pas, non plus, d’être profondément et durablement transformée par les nouvelles technologies numériques.
Tout d’abord, parce qu’en devenant un élément constitutif d’un traitement, les dispositifs médicaux numériques nécessitent, au même titre qu’un médicament, d’être testés et évalués, ce qui non seulement étend le champ, mais encore augmente la complexité de la recherche clinique. Car si l’on maîtrise aujourd’hui l’évaluation d’une molécule, la difficulté est tout autre quand il s’agit d’évaluer cette dernière associée à un smartphone, à des services en ligne ou à un programme d’observance.
Au delà de l’élargissement de son périmètre, et pendant ce temps, la recherche clinique effectue sa propre mutation notamment avec l’utilisation de capteurs connectés qui, associés au « cloud computing », vont autoriser le suivi de patients dans leur « vraie vie » et générer la collecte de véritables océans de données. C’est dans ce contexte que les technologies du « big data » seront appelées à jouer un rôle déterminant en transformant non seulement l’organisation de la recherche clinique mais encore son territoire en la sortant du vase clôt de l’hôpital pour la faire entrer dans la vie de tous les jours. Ainsi, un individu équipé de capteurs connectés, soit parce qu’il est atteint d’une maladie chronique et fait l’objet d’un suivi permanent, soit parce qu’il a cédé à la mode du « quantifed self » ou, plus prosaïquement, parce que son assureur lui a promis une baisse de ses cotisations en échange de ses données, devient un patient impliqué dans la recherche clinique. A terme, et avec le développement du « big data » associé à la multiplication des capteurs connectés de toutes sortes, nous serons tous un jour, malades ou bien portants, peu ou prou, occasionnellement ou de façon permanente, impliqués dans la recherche clinique.
Ces évolutions nécessiteront bien entendu un profond réaménagement du cadre actuel de la recherche et posera, de toute évidence, des questions éthiques, en particulier soulevées par l’exploitation de données personnelles qui ne seront d’ailleurs pas toutes des données de santé mais qui le deviendront une fois traitées.
Cette mutation de la recherche clinique ne manquera pas, non plus, d’avoir un effet positif sur le délai nécessaire à la mise sur le marché d’innovations thérapeutiques tout en apportant une meilleure sécurité grâce à la mise en œuvre de programmes d’observance et de suivi des patients dans leur vie réelle.
Sur le plan économique enfin, la transformation numérique de la recherche clinique est une nouvelle chance pour la France, notamment dans l’actuel contexte de sa délocalisation vers l’Europe de l’Est et les pays émergents. A condition, toutefois, non seulement d’accompagner mais encore de soutenir cette transformation par un cadre réglementaire rénové. L’ambition de ces 2èmes Assises de l’Innovation Thérapeutique est de susciter, notamment auprès des parlementaires et des institutions de santé, cette nécessaire et urgente prise de conscience.
Jacques Marceau
Président d’Aromates
Co-fondateur des Assises de l’Innovation Thérapeutique