GILLES JOHANET
Il est courant d’évoquer un affaissement de l’innovation dans le domaine des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux). De fait, les tombées de brevet des laboratoires pharmaceutiques expliquent pour une large part que la croissance des dépenses de médicaments pour l’assurance maladie soit devenue nulle voire négative en 2012. Plus exactement, c’est le non remplacement de ces grandes molécules qui est à l’origine de cet affaissement.
La réalité est toutefois plus nuancée que ne l’indiquent les chiffres. Pour les dispositifs médicaux, notamment, les dispositifs implantables et ceux contenant de l’électronique, le rythme de l’innovation reste très élevé. En ce qui concerne le médicament on observe un fort niveau d’innovation pour les anti-cancereux ce qui les place donc dans une situation particulière qui mérite qu’on s’y arrête. En effet tout se passe comme si on considérait que l’état des patients justifiait une approche bénéfice-risque spécifique compte tenu de l’évolution souvent fatale de la maladie. Sous cette approche la sortie de nombreux produits ne s’inscrit pas en opposition mais au contraire confirme le glissement de la pondération bénéfice-risque au profit de ce dossier qui affecte, dans tous les pays développés, les autres classes de médicaments.
On a suffisamment disserté sur la montée de l’aversion au risque dans ces pays pour comprendre que rétablir un équilibre bénéfice-risque sera long à obtenir. Toute porte donc à penser que nous devons accepter une approche qui pèse au trébuchet le poids de l’innovation, ce qui conduit à accepter le fait que, dans des cas appelés à augmenter, l’évaluation du produit de santé soit incomplète lors de son inscription. La réponse existe, sous la forme de contrats de risque partagé mais elle ne vaut que si nous sommes en mesure de renouveler profondément notre usage des études post inscription afin de les rendre plus, et plus rapidement, opérationnelles. Tel est l’objectif des mesures établissant une coopération permanente entre la HAS et le CEPS dans l’accord-cadre dispositifs médicaux hier et dans l’accord-cadre médicaments prochainement. La définition ensemble, de ce qui est attendu d’une étude est source de cohérence accrue et de gain de temps. Il faut désormais aller plus loin en considérant que la multiplication des études serait contre productives, ne serait ce que par l’expression d’une réticence croissante des médecins à y participer et en sachant limiter le nombre de questions et les classer en fonction de leur degré de priorité.
Gilles Johanet
Président du Comité Economique des Produits de Santé
Ministère des Affaires Sociales et de la Santé
L’auteur présentera une nouvelle approche d’analyse, qui est actuellement utilisé dans l’environnement pharmaceutique pour identifier les marqueurs prédictifs d’efficacité et de sécurité des médicaments.